Les Jardiniers/Maraîchers de Paris Imprimer
Écrit par G.R.   
Vendredi, 25 Mars 2011 15:30

Il y avait au XVIII siècle lors de l'abolition des jurandes en 1776 quelques 1200 maîtres jardiniers enregistrés à Paris. Il est un peu plus difficile de suivre ces familles car ces jardiniers déménagent relativement souvent, au rythme de l'agrandissement de la capitale. Au XVII ème, ils ont laissé le quartier du "Marais" aux nobles et bourgeois pour la construction de leurs hôtels particuliers et occupent au XVIII ème les quartiers situés à la périphérie de Paris : La Ville-l'Évêque (La Madeleine), les Porcherons (St Lazare), les faubourgs St Laurent, St Denis et la Courtille au nord, le Pont aux Choux et le faubourg St Antoine et la Vallée de Fécamp à l'est, les quartiers St Victor, Saint Marcel et St Germain au sud et même les Champs Élysées pour finir le tour ! Ils s'étendent bien-sûr aux communes avoisinantes telles qu'Argenteuil, Pantin, La Courneuve, La Chapelle, Montreuil, Reuilly, Vincennes, Vaugirard, etc. Ils sont parfois propriétaires des terrains qu'ils cultivent mais le plus souvent les louent à bail à des propriétaires bourgeois, à des congrégations ou aux fabriques des paroisses.

On peut se faire une idée de ce qu'ils cultivent par des inventaires dressés lors de décès comme par exemple un extrait de juillet 1754 :

...
Item : douze cent quatre vingt trois pieds de melons prisés et estimés ensemble la somme de deux cent cinquante sept livres seize sols
Item : quatre cent quarante quatre toises et demi (≈1700m2) en oseille, poirée, persils, cerfeuil, épinard, haricots, oignons, choux, pommes, cardon, estragons, choux-fleurs, panets, carottes, céleri et passe-pierre prisé le tout ensemble la somme de cent quarante neuf livres deux sols

Et pour le matériel :

Item : treize cents soixante quatre cloches de verres, prisées comme partie cassé la somme de trois cent livres
Item : deux puits avec leurs ustensiles et quatre tonneaux, prisé ensemble quarante livres dix sols
Item : cinq paires d'arrosoirs de cuivre, prisé ensemble la somme de soixante livres
Item : les hottes, bêches, outils et autres ustensiles de jardinage prisés ensemble quarante cinq livres quinze sols.

Afin de produire suffisamment, les terrains sont régulièrement fumés avec les boues de Paris récupérées dans les voiries situées aux barrières, c'est même un privilège des jardiniers qui, remis en cause par le préfet, fera l'objet de doléances de 1776 à 1789 (cf l'Affaire des Boues).

Les maîtres jardiniers de Paris vendent leurs produits à la Halle aux Poirées située entre les rues de la Lingerie et de la Poterie et des arrêts les protègent, comme celui de 1745 :

"...Maintenons & gardons lesdites Parties ... dans la possession & jouissance où elles sont de vendre leurs légumes & denrées de jardinage dans la Halle aux Poirées, depuis la porte de la Halle au Bled qui a son issue au Marché aux Poirées jusqu'à la rue Saint Honoré & rue adjacente sans pouvoir être entremêlée de compagnons jardiniers & gens de la Banlieue, faisons défenses aux ... autres gens de la Banlieue ... de se mettre aux places destinées pour les Maîtres..."

D’après l’Histoire des corporations, dans « Histoire physique, civile et morale de Paris, depuis les premiers temps historiques, Volumes 5-6 de Jacques-Antoine Dulaure ; Dufour, Mulat et Boulanger Eds, 1856 », les jardiniers-maraîchers-préoliers étaient régis par quatre jurés. L’apprentissage durait quatre ans, et le compagnonnage deux. Le brevet coûtait quinze livres et la maîtrise cent livres. Il avaient pour patron saint Fiacre ; leur bureau était rue des Rosiers. Les plus anciens statuts de cette corporation remontent à 1473, mais il y avait déjà 6 jardiniers d'après les registres de la taille de Paris en 1292. Ces statuts, renouvelés à chaque nouveau règne, règlent notamment l'obtention de la maîtrise et les contrôles des maîtres jurés.

Louis XI, en organisant les métiers sous des bannières, avait officialisé les corporations, Turgot en 1776, supprime les jurandes, réorganise les communautés de marchands et d'artisans, mais libéralise 20 professions dont celle de jardinier, "afin qu’elles soient une ressource ouverte à la partie la plus indigente de nos sujets" précise l'édit royal.

La corporation perdurera, avec ses privilèges jusqu'à la Révolution. Elle renaîtra par la suite sous la forme de multiples confréries de métiers rattachées aux paroisses, lesquelles confréries évolueront vers des syndicats professionnels à l'époque moderne.

Mise à jour le Dimanche, 21 Mai 2017 11:31