Lettre du 23.09.1879 PDF Imprimer
Écrit par G.R.   
Samedi, 04 Décembre 2010 16:09

Philadelphie, le Mardi 23 septembre 1879

 

Biens chers Parents, ma bonne Marie

Enfin me voici arrivée. Je suis en Amérique très bien portante et heureuse, oh bien heureuse de pouvoir vous écrire, je vous assure. Une foule de pensées m'assaillent, mais pour arriver à débrouiller quelque chose je vais commencer le récit de mon voyage.

Je vous ai dit que je devais partir le jeudi soir vers 3 h., en voici la raison : une grave avarie étant survenue à la Pennsylvania, ce n'est pas sur ce navire que j'ai fait la traversée mais sur l'Illinois, mais un navire magnifique quand même. Je suis allée à bord vers 2h1/2, là j'ai rencontré les demoiselles Comegys et leur frère. Depuis Paris je n'avais pas mangé aussi étais-je déjà souffrante. Aussitôt à bord, je me suis retirée dans ma cabine et pendant trois jours entiers, j'eus le mal de mer, un mal affreux je vous assure, avec cela notre traversée sur les côtes d'Irlande a été très mauvaise. Nous avons été, les journées du Samedi et du Dimanche, à nous demander si nous pourrions ou non. Mon souhait de voir la mer en furie a été exaucé ; mais je vous assure qu'alors je souhaitais le calme, ne croyez pas que j'avais peur ! Non j'étais très calme mais si malade que j'ai cru que j'allais mourir, oh combien je regrettais d'être venue ! Que n'aurais-je pas donné alors pour être près de vous ? Je vous assure que si ça avait été à recommencer je ne me serais pas embarquée. Enfin le lundi la mer s'apaisa et nous pûmes rester sur le pont du moment que l'on eut attaché les chaises ; depuis mon départ de Paris j'avais déjà pris un bouillon que j'avais rendu en arrivant ; par cela jugez de la force que je pouvais avoir. Il m'était impossible de manger le pain qui n'est pas du tout comme le nôtre, me faisait mal rien que de le sentir. La cuisine sans goût (les Américains ne salent pas leur viande) et pas du tout comme en France et puis de l'eau voilà la boisson nationale tout cela ne me plaisait pas aussi ne mangeais-je rien. D'un autre côté, je ne voyais personne parlant français et depuis Paris, je n'avais pas dit de paroles après cela vous comprenez combien je devais souffrir n'est-ce pas. Savez-vous ce qui me donnait la force de supporter toute cette tristesse ? Vous allez rire et pourtant cela est. C'est la prière. Oh je priais pour avoir le courage de supporter mon ennui ! Dans mes moments de calme, je cherchai un but à mon voyage ; j'en ai trouvé un qui je le crois fera notre joie à tous ; ne cherchez pas, vous ne trouverez pas ; n'allez pas croire que c'est un rêve de folle imagination comme j'en ai déjà tant fait, non c'est quelque chose de bien simple ; ah mon ambition est bien tombée ; je n'en ai plus. Si, je me trompe, j'en ai encore une : me dépêcher d'apprendre l'Anglais et retourner près de vous tous; Oh c'est bien vrai que l'on est bien qu'au sein de sa famille mais me voici bien loin.

Je reviens à mon voyage. Je vous l'ai dit, je montai le lundi sur le pont. Les dames Comegys ne tardèrent pas à y arriver nous étions à peu près les seules personnes qui étaient un peu mieux ; je fus ce jour présentée à un jeune ministre protestant, il a 19 ans et viens de passer son examen. Il savait 3 ou 4 mots de français et passa presque toute la traversée à me faire plaisir ; ce fut d'abord lui qui me servit de cavalier car chaque dame a un cavalier pour lui tenir compagnie ; la promener, la conduire à table, etc etc. Le lendemain une dame Américaine une demoiselle c'est à dire, mais qui frise la trentaine apprit que j'étais à bord (une française était un événement) mon ministre excellent garçon n'ayant du ministre que la cravate venait de me conduire à ma cabine quand cette dame lui demanda de me la présenter. Justement je sortais pour avoir de l'eau ; la présentation eut lieu cette demoiselle parlait parfaitement le français - elle a habité Paris pendant deux ans - nous causâmes environ 1 heure puis elle me présenta à son frère, un jeune homme d'une trentaine d'année s'exprimant très élégamment en français et qui sur le champ me demande la permission de me servir de cavalier ; et mon ministre ? Je ne voulais pas faire d'impolitesse aussi étais-je bien ennuyée ; mais ces Messieurs s'arrangèrent ; le ministre serait de la promenade du matin et du soir ce serait Monsieur Abbott, moi j'étais enchantée de parler français aussi acceptais-je tous les arrangements. Le mercredi, le soleil se leva pour la première fois et les dames sortaient toutes de leurs cabines car le capitaine avait déclaré que l'on ne déjeunerai pas si toutes les dames ne venaient pas à table. Il fallut me décider à y faire mon apparition, je mangeai un peu c'était déjà un progrès ce jour là je fus présentée à presque tous les Messieurs qui ensuite me présentèrent aux dames. Alors ma vie changea ; autant elle avait été triste et seule, autant elle fut gaie ; du moment que l'on m'eut vue au bras de Monsieur Abbott, je fus considérée comme l'égal de tout le monde  on me choyait, on me gâtait ; il n'y avait pas une partie que je n'en sois ; toutes ces dames avaient des chaises longues exprès pour le bateau on m'en offrit, mais Monsieur Abbott déclara que la sienne m'appartenait et qu'il serait fâché que j'en prenne une autre. Vous voyez par ceci combien je fus considérée ; me voyez-vous, moi la petite paysanne de Sacy étalée sur une chaise longue, ayant sur mes pieds la peau d'un ours blanc, et au milieu de millionnaires car on m'a dit depuis que la fortune des Messieurs Abbott se montait à une vingtaine de millions. Tout le reste de la traversée se passa ainsi plaisirs sur plaisirs. Je me liais aussi avec une Irlandaise, charmante personne de 20 ans. Nous fûmes rapprochées parce qu'elle était catholique aussi. J'étais si heureuse que vraiment je ne désirais pas notre arrivée ; le temps continuait d'être très-beau et la mer calme je ne vous dirai pas de belles chose sur la mer par la raison toute simple que je ne trouverai pas de mots pour rendre les pensées qui s'agitent dans notre cœur à la vue de cette magnificence nous eûmes surtout deux couchers de soleil au delà de toute expression.

Dimanche, nous tombâmes dans une famille de baleines ; il y en avait plus de 25 ; mais j'ai été bien surprise de voir combien l'animal véritable est petit après celles qu'on nous montre sur le papier ; nous avons vu aussi une espèce de poisson qui saute de la mer à une hauteur de plus d'un mètre et fait ainsi des plongeons pendant des heures en suivant les vaisseaux pour manger ce qu'on leur jette ; nous vîmes aussi quelques vaisseaux, mais il n'y en eut qu'un que nous pûmes saluer. Lundi, hier par conséquent, tout le monde se leva joyeux ; le capitaine avait dit : si le temps continue nous serons ce soir dans la rade de Philadelphie. Mais au premier déjeuner, pas de capitaine, il se tenait sur le pont une lunette en main et marchait d'un air préoccupé ; les matelots allaient et venaient et exécutaient une foule de manœuvres. Tout cela nous fit nous regarder avec inquiétude ; enfin on nous conseilla de rentrer. Qu'allait-il se passer ? Un grain, comme on dit en langage de mer ; en effet, bientôt la mer nous envoya des vagues énormes, les vents se déchaînèrent : tout craquait, nous étions précipités les uns sur les autres avec un force inouïe, enfin nous n'avions pas encore vu cela, les vagues balayaient le pont avec force et moi je me disais : je crois que c'est fini ; c'est égal, c'est agaçant de périr la dernière journée. La tourmente dura deux heures, mais le capitaine ne savait plus où nous étions. Au bout d'un quart d'heure, nous vîmes un vaisseau qui nous remit dans le chemin et bientôt nous passions prés du cap d'où on a télégraphié notre arrivé à Philadelphie, à Londres et à Paris ; enfin à 7 heures nous débarquions. Eh bien je vous dirai une chose qui va vous étonner : cela me fis plus de peine de quitter l'Illinois que de quitter Paris ; en quittant cette ville, je ne savais ce que c'était d'aller si loin ; il me semblai que j'allai faire un voyage duquel je reviendrai bientôt, mais là, je connaissais ce que c'était que la solitude ; je me revoyais encore une fois seule, toute seule, sans parents, sans amis, sans appui ; je m'étais habituée à considérer tout le monde comme ma famille, aussi ce fût les larmes aux yeux que je quittai le pont de l'Illinois. Je voyais tous les passagers se précipiter dans les bras de leurs parents, de leurs amis, et moi je me répétais : et toi tu es seule, personne ne fais attention à toi ; tu es seule dans cette foule si heureuse de se rencontrer. Presque tous les passagers vinrent prendre congé de moi. Tous me souhaitèrent toute sorte de chance et me remercièrent de leur avoir appris un peu de français car pour que je ne m'ennuie pas en ne comprenant rien, il avait été convenu que dans la société où je me trouverai, celui qui ne parlerai pas français donnerait un gage ; vous voyez la gracieuseté des Américains, beaucoup m'ont donné leur adresse et m'ont promis de venir me voir surtout le ministre, Monsieur et Mademoiselle Abbott ainsi que Miss Mary Mac Namaman. Je n'ai eu aucune difficulté pour la douane. Monsieur Abbott s'est chargé de tout et en descendant du vapeur, j'ai trouvé Mlle Comegys qui m'attendait.

À 9 heures j'arrivai à ma nouvelle habitation. Je fus immédiatement présentée aux élèves et je me retirai dans ma chambre que je partage avec l'une d'elle. C'est une pièce magnifique ; Mademoiselle Comegys croyant que je jouais du piano en a fait placer un ; il y a toilette avec glace, tapis. Une chambre magnifique enfin avec balcon s'il vous plaît. J'ai aussi une chaise longue et une berceuse, vous voyez que je ne suis pas malheureuse de ce côté. Ce matin, je me suis levée à 7 heures, déjeuné à 8 heures, mais très peu car je n'avais pas faim. J'ai mieux vu les élèves : ce sont toutes les meilleures familles qui ont leurs enfants ici. Ces demoiselles ont des toilettes magnifiques, la soie et le velours s'allient  à l'or et l'argent ; elles me fêtent toutes et je ne vois aucun de ces chuchotements ni de ces sourires qui font tant de mal ; tout nouveau tout beau. Pour le moment je suis l'idole. Mademoiselle m'a donné ce matin l'emploi de mon temps : depuis 9 heures jusque 3 heures je n'ai pas une minute, on ne mange pas avant. C'est l'heure du second déjeuné ; je trouve que c'est long sans manger, mais enfin il faut que je m'y habitue. À trois heures les leçons sont finies. On dîne et alors toutes ces demoiselles changent de toilettes, puis on se promène jusque 5 heures. Alors études jusque 6 heures. Je ne puis vous dire davantage car je n'en suis encore qu'à mon premier jour à cette heure-là. Tout le temps de mes leçons, je passe d'une classe dans l'autre, le français est autant étudié que l'anglais, si ce n'est plus et toutes l'apprenne depuis les petites jusqu'aux grandes. Il y a une quinzaine de pensionnaires et à peu près autant d'externes. Mademoiselle Comegys a déclaré que les pensionnaires à tables ne devaient parler que le français ainsi qu'au salon car ici toutes les élèves restent les trois-quart du temps au salon avec ces dames. La maîtresse anglaise elle-même fait tout pour m'être très-agréable. Je suis allée avec elle à la promenade, elle tâche de parler un peu français pour me désennuyer. Dans mes leçons, je n'ai ni Histoire, ni Arithmétique, rien de tout cela, rien que la Grammaire et tout ce qui la regarde : dictées, verbes, analyses, exercices etc., etc. Le pensionnat se compose de deux maisons, deux villas charmantes, dans l'une est l'intérieur de la maison et les élèves privilégiées avec ces dames et moi y habitons ; dans l'autre les classes qui par leurs décorations ressemblent à des salons et les chambres des autres élèves -car ici il n'y a pas de dortoir- et la maîtresse anglaise ; inutile de dire que nous ne faisons rien de ménage, pas même nos lits. Á table je suis près de Miss Comegys. En un mot, j'ai de quoi être plus heureuse que partout ; saurais-je l'être ? Je l'ignore mais l'espère. Ah si seulement vous étiez ici, oh alors rien ne me manquerai, mais qui sait ce que réserve l'avenir ? Pour le moment je suis loin de vous et je me contente de couvrir vos photographies de baisers et je le dis de larmes quelque fois ; ainsi en revenant de la promenade, je vous écrit mais avant de commencer, je me suis mise à pleurer, cela m'a soulagée, il y avait longtemps que cela débordait, mais je ne veux pas pleurer devant personne voilà pourquoi bien souvent j'étouffe. Enfin je m'y habituerai ; ce sera peut-être long, mais avec du courage que je puiserai dans l'espérance de vous revoir bientôt j'arriverai à mon but qui réalisera un des vœux les plus chers de maman, mais je ne parle plus de cela car mon secret m'échapperai.

Je viens d'écrire ce mot de travers, je vais vous dire pourquoi. Je suis dans la salle d'étude. Deux élèves travaillent près de moi à leurs devoirs, eh bien il y en a une qui siffle, mais là comme un homme et l'autre qui l'accompagne de temps en temps : vous voyez la différence de mœurs ; ici pas de gène, chacun fait ce qu'il lui plaît pas de retenue s'il leur plait de monter sur la table elle le font sans gène, c'est ici un mot inconnu ; si je puis m'y faire, je serai certainement bien heureuse. Ma bonne Maman Colas quand tu vas à la messe prie un peu pour que je ne m'ennuie pas trop et que dans un an j'ai le bonheur de vous revoir tous et de vous embrasser comme je vous aime. Ma chère Marie, si tu es placée, je te prie de me l'écrire, je viens de décacheter ce que tu m'as donné, je te remercie beaucoup, pense toujours à moi comme je pense à toi et ce pour qu'un jour nous nous trouverons réunies mais pour toujours alors.

Je continue ma lettre, il est 7 heures, il y a une seconde étude ; tout à l'heure, on est venu me chercher pour manger. C'est une collation que l'on prend. Du thé, du fromage à la crème et du beurre, voilà le repas avec de l'eau ça va sans dire ; en attendant l'étude nous allons au salon où chacun s'arrange comme il veut. L'une s'étend sur deux chaises, une autre chante. D'autres jouent aux cartes ou lisent ; moi, Mademoiselle m'a proposé de prendre un bain ce soir. Il y en a un qui est toujours chaud dans la maison. Je vous assure que j'ai accepté volontiers car cela me reposera, je crois. C'est très drôle allez, je marche comme si j'apprenais. Il m'est impossible de faire trois pas sans aller de côté, comme sur le vaisseau. J'ai eu bien du mal à m'habituer à marcher là et maintenant, je ne sais plus marcher sur la terre. Quand l'étude sera finie, nous irons de nouveau au salon. Moi j'y serai restée si je n'avais pas cette lettre à écrire et en voilà jusque 11 heures. Mademoiselle Comegys a des livres français, elle m'en prête, ainsi je vais tâcher de ne pas trop m'ennuyer. Quand ma malle sera arrivée, je ferai mon dessus d'édredon car je tiens à l'avoir pour retourner en France. Comme après la classe, tout le monde ici change de toilette, je mettrais ma petite robe neuve car il fait excessivement chaud  ; ce mois-ci est aussi chaud que juillet chez nous, quand il y fait chaud bien entendu. Mademoiselle vient de me dire que cela ne coûtait que 25 cents pour vous écrire, vous comprenez que je vais vous écrire souvent ; faites en de même car si je ne puis vous voir, vos pensées au moins me seront connues et tout en causant, je pourrais me figurer moins éloignée que je le suis réellement.

Nous ne sommes pas ici dans Philadelphie même, nous sommes à la campagne, mais tout à fait : ce sont des chemins de traverse sans pavés, le soir pas de lumière, de gracieuses habitations, des fleurs que je ne connais pas, des arbres et jusqu'à l'herbe qui n'est plus la même. Tout cela me fait un grand changement. L'air est pur et sain et il fait très chaud. Je viens d'aller à ma chambre, on a fait ma couverture et allumé le gaz, car j'ai un bec de gaz dans ma chambre ; je suis servie, quoi, comme une duchesse c'est tout ce que je puis vous dire. Jusqu'à présent, c'est toutes les remarques que j'ai faites. Pardonnez-moi si mes idées ne sont pas très claires, si je quitte une chose pour y revenir après mille détours, mais je ne suis pas encore très bien portante, il faut que je me rhabitue à la terre, surtout à une terre étrangère. J'ai la tête lourde et les yeux me piquent d'avoir pleuré, je vous écris tout de même parce que avec vous, je ne me gène pas et que je sais que ce ne sera ni papa Colas, ni Papa Alfred qui diront quelque chose mais je vous prie de ne pas montrer cette lettre à Madame Simonnot. Si vous la voyez, vous lui direz que je lui écrirai un peu plus tard et que Mme Comegys lui fait bien des compliments. Je crois qu'elle va lui écrire ainsi que moi.

A bientôt une nouvelle lettre qui vous mettra cette fois bien au courant de mes nouvelles habitudes. Figurez-vous qu'ici j'ai les types qui sont d'une ressemblance frappante, il y en a 4 surtout qui me rappelle, l'une Claire Brière, et l'autre M. Coubart mais c'est frappant seulement Coubart plus jolie. Il y a aussi M. Guinard continent et Leblanc, mais je vous le répète, d'une ressemblance frappante. Ainsi que vous me l'avez conseillé, je me tiens à distance, tout en étant aussi aimable que mon gracieux caractère le permet. Mes leçons m'amusent, je change d'élèves toutes les demi-heures, de sorte qu'elles n'ont pas le temps d'être ennuyeuses. Mais si je ne m'arrête, je vous en dirai trop long et il faudrait mettre plusieurs timbres, ma bourse n'est pas assez grosse il ne me reste que 35 f. à peu près. Vous voyez ce n'est pas trop et mes chaussures sont trouées partout. Je me porte assez bien et espère que vous vous portez bien. Je vous embrasse tous, tous de tout cœur, y compris Grand-Père et Grand-Mère, bien des compliments à Paris, à toute la maison ... mes cousins et cousines de Montmartre, tout le monde quoi. Pardonnez-moi si j'en oublie mais il y en a tant. A Sacy ... Céline, Léonie, leurs parents auxquels j'ai pensé bien des fois pendant la traversée, enfin tous ceux qui parleront de moi.

2eme journée. Je ne puis vous dire qu'un mot aujourd'hui, je suis tenue de 9 h du matin à 9h du soir, pas une minute à moi aujourd'hui, les leçons ont parfaitement été, le français marche d'une manière qui m'étonne moi-même. Mademoiselle est dans la jubilation à midi, comprenant que je devais avoir faim, elle m'a envoyé du pain et du beurre. Je travaille beaucoup, mais je suis soignée comme une duchesse. Mademoiselle vient de faire venir des livres français, des romans, pour que je ne m'ennuie pas trop au salon. Elle va me présenter au prêtre catholique, enfin elle paraît enchantée. Ma malle vient d'arriver et je range un peu mes affaires quand j'ai 5 ou 10 minutes. Malgré ma bonne volonté il faut que je vous quitte, je vous envoie mille millions de baisers écrivez-moi tous, donnez-moi de vos nouvelles qui m'aideront à trouver le courage.

Votre fille respectueuse

L. Coilly

Si je pouvais en mettre plus long je le ferai certainement.

Voici l'adresse, mettez exactement

Mlle Coilly

Mrs Comegys Chestnut Hill

Philadelphie

Etats Unis d'Amérique